La Quête Absolue
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 Au vol !

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Anahakan Ferdowsi
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Anahakan Ferdowsi


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Race: Apsara
Classe(s): Mystique de Brume, Alchimiste

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MessageSujet: Au vol !   Au vol ! EmptyJeu 25 Oct - 3:25

    La plupart des gens, quand ils le peuvent, préfèrent languir sous l'aimable crépuscule, profitant par la même occasion des jardins embaumés de milles senteurs de Chiraz. Ils se perdent dans la tranquillité plaisante de ses boulevards fleuris, flânant libres de pensées contrariantes. On peut observer certaines gens de la noblesse tenant une ombrelle pour les couvrir la journée, ou bien accompagné d'un roturier soutenant leur allure les préserver par un parasol et un autre les éventant avec un éventail fait de belles matières. Enfin, pour ceux qui n'avaient pas de temps à perdre, subissaient la chaleur étouffante. Malgré l'habitude, ils ne se plaindraient pas si le vent soufflait pour les rafraîchir. Des colporteurs distribuaient leurs marchandises, les porteurs d'eau visitaient les maisons, les marchands vantaient la fraîcheur de leurs produits ou la beauté de leurs tissus. En observant de loin, la comparaison avec une fourmilière n'en est que plus évidente, puis en s'approchant on constate que chaque seconde, chaque personne, chaque objet, tient une place de choix dans l'engrenage du Destin. Voilà ce que pensait Anahakan, aussi présente qu'éloignée, attentive et peu concentrée. Elle s'amusait de ses observations, bien qu'elle craignait tout ce monde qui l'entourait. Erez, un puissant minotaure, lui servait de garde personnel. On le remarquait de loin, toutefois on ne s'attardait pas sur son cas car bien qu'il n'était pas commun de voir un homme taureau ce n'était pas non plus inconcevable que la cité était peuplée de toutes les races - ou presque. Son regard pénétrant semblait défier jusqu'au cœur des âmes. Imperturbable, le minotaure se faisait barrière de chaire et d'esprit pour quiconque s'en prendrait à sa protégée.

    Mesurant une bonne quarantaine de centimètres en moins - si ce n'était plus -, la protégée en question faisait à peine attention à celui qui l'accompagnait. La magicienne avait tendance à laisser ses songes divaguer jusqu'à en oublier le pourquoi du comment, et où. Tout à l'opposé d'Erez, elle se distinguait par sa petite carrure et son allure paisible. On ne la craignait pas comme on craignait le soldat, on la regardait plutôt avec tendresse et sympathie. Vêtue d'une robe à manches longues vert pâle, elle évoquait plus la douceur qu'autre chose. Travaillée dans du satin, son opacité contrastait avec le voile de gaze qui couvrait son visage et un autre qui entourait gracieusement son buste pour retomber sur son bras droit, créant un jeu d'ombres. Enfin, un dernier voile fait de la même matière que la robe cachait sa chevelure, et divers ornements et broderies décoraient ses vêtements. Des bracelets d'or aux pierreries éclatantes descendaient sur ses poignets trop frêles, dénotant ses mains gantées. Faut-il préciser qu'Anahakan était un appât à voleurs ? Malgré Erez, elle n'en demeurait pas moins une proie faible et riche à souhait, sa tenue la trahissant trop. Parfois, elle se sous-estimait à un point qu'elle semblait être la personne la plus incapable de toutes, d'autre fois elle se sur-estimait et jugeait ses dons largement suffisant pour combattre une armée. Aujourd'hui elle avait décidé que rien ne pourrait l'atteindre, elle se débarrassa suite à ce raisonnement de son escorte et tout les conseils qu'on put lui donner. Si elle avait eu la bonne idée d'en écouter quelques uns, au moins réduirait-elle le danger et les envieux se seraient tenus à distance. Au lieu de quoi, elle avait quitter son palanquin une fois en ville pour traverser la foule, et celle-ci ne s'éloignait que grâce à la présence du soldat qui l'accompagnait.

    On sentait qu'elle était mal à l'aise au milieu de tout ce monde, trop souvent elle avait le réflexe de se soustraire avant qu'on ne puisse l'approcher de trop près, ou encore elle reculait lorsqu'un vendeur lui montrait sa marchandise avec trop d'avance. Cela n'empêchait pas son émerveillement - invisible hélas - qu'elle éprouvait en regardant le travail des orfèvres ou en sentant certaines épices. Plusieurs fois, sa surprise s'était exprimée par des onomatopées aussi enfantines qu'amusantes. D'ailleurs, la confondait-on avec une fillette ? L'observateur attentif remarquerait qu'elle passait autant de temps à observer les pierreries que la chaîne et le fermoir qui composaient un collier. Chaque maillon, aussi petit qu'il pouvait être, était l'objet de l'admiration d'Anahakan. Il lui arrivait de s'arrêter subitement devant des objets singuliers, le plus souvent des inventions étonnantes que les ingénieurs cherchaient à promouvoir, mais également des fruits de contrées trop lointaines pour n'être apprécier que par des esquisses rapportées par les explorateurs. Lorsque la magicienne se trouvait très contente, un rire s'échappait du voile et elle tapait des mains. Elle avait agis ainsi lorsqu'un prestidigitateur avait fait sortir de sa manche un jeu de cartes puis avait fait apparaître une colombe derrière un jeune spectateur. Cela pouvait être aussi faux que possible, Anahakan n'en désirait pas davantage. Elle savait rire de rien et de tout. A son contraire, le minotaure n'avait pas esquissé un seul sourire, si ce n'est la grimace qu'il arbora un temps très court lorsqu'un vendeur de fleur tenta de mettre une rose dans les cheveux de sa protégées. Enfin, nous parlions de sourire, si nous considérons que la commissure de ses lèvres s'était dessinée on peut revoir la définition du mot.

    Anahakan ne sortait que très rarement en dehors de ses terres, pour ainsi dire jamais. Même chez elle, elle avait une fâcheuse tendance à rester entre les murs, préférant leur absence de vie, d'âme et de jugement aux hommes bien trop expressifs et compliqués. Tout à fait ! Elle, l'éminente scientifique, se permettait d'affirmer que calculer la position des étoiles ou étudier les diverses particules de ce monde jusqu'à la plus petite était bien plus facile que d'avoir une conversation avec ses confrères. Certes, elle avait dénoté des comportements et des rites selon les races et leur situation géographique, mais de là à comprendre une personne seulement, avec son propre caractère et ses propres sentiments, elle désespérait de ne jamais le pouvoir. Exceptionnellement aujourd'hui, peut-être la 2ème fois en 5ans, elle était sortie de son antre, que dis-je ? de sa bulle, pour des affaires qui la passionnaient ; les reliques et les antiquités. Un marchand itinérant était de passage à Chiraz. Les rumeurs disaient qu'il avait parcourues toutes les contrées du globe et qu'il avait découvert un nombre important de trésors. C'était la première fois que la demoiselle allait vers un vendeur, en aucun cas ce ne fut l'inverse. Il était situé dans un quartier peu fréquenté, néanmoins le cachet n'était pas à désirer. Sa clientèle était souvent mystérieuse, très discrète. Il fallait être très intéressé et surtout ne pas faire passer le mot à n'importe qui. Il fallait aussi être le premier à arriver pour se servir, autrement la jeune femme n'aurait pas quitté sa tour d'ivoire. En s'approchant de son habitation, l'air y était plus frais, les diverses odeurs du marché s'évanouissaient pour laisser place à une douceur mielleuse qui s'offre loin de ce lieu trop varié, faisant un accord parfait avec les derniers rayons du soleil. Erez était beaucoup plus sur ses gardes, prêt à tout - ou presque. Les rues ne semblaient pas malpropres, impossible d'imaginer qu'un criminel puisse y faire un tour. Des gardes circulaient, principalement en périphérie du quartier.

    Rien à signaler ; les lampadaires fonctionnaient, pas d'individus suspects, des papillons de nuit virevoltaient. Rien à signaler. Juste cet homme sur le banc, habillé ni trop sombre ni trop clair. Il n'était ni trop soigné ni pas assez, ni trop tranquille ni trop alerte. On pouvait passer devant lui sans se rendre compte de sa présence. Le soldat le rejoignit, attitude trop formelle par rapport à l'inconnu. Ce dernier avait le buste en arrière, un bras s'appuyant sur le dos du banc, un pied posé sur la cuisse opposée. La lueur rendait à peine visible les traits de son visage, pas très marqués. On devinait qu'il souriait inconsciemment en apparence. Erez ne discuta pas, il savait ce que voulait la magicienne et avait de quoi faire l'échange. Une bourse de rubis contre une boîte en carton et un sachet de soie. Aucune parole, pas plus de négociation, familiarité inexistante. A peine quelques secondes furent nécessaires pour cette action. Pendant ce temps, Anahakan avait patienté à l'écart. Sa satisfaction était à son comble, malgré l'attitude droite et élégante qu'elle sut avoir quand lui fut remis le précieux présent. Si seulement là, tout de suite, elle pouvait jouer avec sa nouvelle acquisition ! Ou juste la regarder. . . Comme elle serait heureuse ! Elle n'aurait pas à soupirer d'impatience ou sous-peser inutilement le paquet, comme si cela ferait passer le temps plus vite. De son côté, le minotaure essaya de lui parler pour ignorer cette attente, mais elle n'agissait pas mieux qu'une gamine impatiente et était dans un état déconcentré qui ne sied pas à une femme de son rang. Il renonça après un deuxième silence. Ce n'était pas qu'il n'aimait pas la magicienne, mais elle avait le dont de l'agacer contre toute l'estime qu'il lui portait par son égoïsme innocent.

    Soudainement, le minotaure sentit comme une présence. La vision furtive d'une ombre près d'Anahakan lui fit avoir le réflexe de la tirer à ses côtés. A cet instant, ils étaient à un carrefour vide de monde. Quelques insectes dansaient dans la lumière du soir, à part cela rien d'autre ne semblait vivre. La magicienne allait le questionner, sachant que si il avait oser l'attraper par le bras c'est qu'il s'était passé quelque chose. Son cœur s'était accéléré en même temps qu'il la mit à l'abri, et après elle ne chercha plus à comprendre ; Erez courrait après. . . après quelqu'un, probablement. Elle vit qu'il lui manquait le sachet de soie, elle jeta donc un regard bref pour vérifier s'il n'était pas tombé, mais son sens des priorités pris le dessus, bien qu'elle était toujours surprise et dubitative face à ce qu'il venait de se passer. Relevant sa robe d'une main, elle lui emboîta le pas en trottinant. Malheureusement, elle l'avait déjà perdu de vue. Elle reçut un nouveau choc quand elle regarda toutes ces maisons, ces rues, ces arbres, qu'elle ne connaissait pas. La peur bondit tel un fauve en elle ; elle avait beau regarder autour d'elle tout n'était que synonyme de panique et terreur. Elle n'était plus dans un joli quartier bourgeois, à présent il s'agissait d'un cauchemar de labyrinthes sans fin. Comme une noyée, elle happait l'air sans pour autant réussir à respirer. La paranoïa s'emparait de sa lucidité, sa vision commençait à se troubler. . . Sans raison particulière, elle resserra le paquet contre elle, juste pour se tenir à quelque chose. Ce fut grâce à quelques curieux qu'elle reprit ses esprits et retrouva son garde. Ces derniers regardaient dans la direction où l'action se passait, se demandant le pourquoi d'une telle course. Le hasard guida les derniers pas de la magicienne angoissée. Parallèlement, le minotaure était parvenu à rattraper l'ombre étrange qu'il avait vu. Entre les changements de directions et la rapidité, il s'avoua en lui-même qu'il avait eu du mal à venir à bout de cette tâche. Il était endurant, c'est probablement ce qui lui avait permis de tenir la distance. Il n'était presque pas essoufflé, il avait déjà dégainé son épée et son regard de tueur. Dans la pénombre on pouvait percevoir des reflets sur ses cornes, le blanc de ses yeux ainsi que sur sa lame. Impassible, impressionnant, cette montagne de muscle se fichait de savoir si l'adversaire s'effrayait ou non de son physique. Il grogna, partant pour une confrontation d'homme à homme.

    Finalement, la silhouette furtive n'avait rien de trop bizarre puisqu'en réalité ce n'était que le déguisement temporaire - et efficace - d'un voleur. Au fil de la poursuite ce dernier avait repris sa forme de base, permettant à son assaillant de savoir à qui il avait à faire. A présent, arme brandie et cri sauvage, Erez n'attendit plus pour se battre. L'ennemi avait une esquive et une vitesse d'attaque comme il en avait rarement vu, néanmoins il avait appris à faire face à pratiquement tout genre de personnes dans n'importe qu'elle situation. L'homme taureau n'avait pas beaucoup d'agilité, en revanche ses blocages et sa gardes étaient presque imparable. Un combat intéressant en perspective, malgré qu'il se maîtrisait pour ne pas tomber dans les pièges de l'amusement. C'est alors que sans crier gare l'atmosphère s'alourdit, sèche et poussiéreuse. Une odeur d'encens flotta un laps de temps. Ce mélange aux additifs magiques et secrets avait pour effet d'assoupir les sens ainsi que de fatiguer les membres quelques secondes. Par ailleurs, les sensations n'étaient qu'illusoires ( l'air sec, la fatigue, l'odeur. . . ). Comme il n'y avait eu que très peu de bruit, l'ambiance était toujours aussi calme, tout à fait en désaccord avec les évènements. Près des deux hommes il n'y avait que la jeune alchimiste, rebouchant un flacon de verre mal travaillé pendant le temps mort. Elle les regardait tour à tour, s'attardant sur le voleur. Erez grogna quelque chose comme quoi " il avait le truc en soie ". Évidemment, il rageait de n'avoir pu continuer cette lutte, seulement face au charme magique de l'apsara il comprit que cela devait s'arrêter là, le pouvoir racial faisant un meilleur effet après le gaz qu'elle avait libéré. Ce qu'elle cachait avec soin, outre son physique, c'était sa crainte de tout. Elle avait beau être dotée de puissance et d'intelligence, elle n'en demeurait pas moins une grande peureuse.

    « Il faut le lui rendre, somma-t-elle de sa demi-voix, apportant un semblant de douceur. Vous n'en ferez rien, en plus de ne pas avoir le choix. »
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Assad El'Khayr
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Assad El'Khayr


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MessageSujet: Re: Au vol !   Au vol ! EmptySam 27 Oct - 18:27

    « Aah... »

Il me fallait le reconnaître : bien que le vol soit, à mes yeux, un art qu'il me fallait cultiver, voire même perfectionner inlassablement, ça n'avait rien d'un métier régulier et habituel en rapport au marchand qui sévissait dans le bazar. Indéniablement, il m'arrivait de m'ennuyer mais pour me plaindre de cela, il me fallait choisir minutieusement l'oreille à l'écoute. En effet, si, par inadvertance, je laissais entendre à certains que l'ennui était parfois de mise dans mes journées, sans aucune précaution et dans la seconde qui suivait, une réflexion semblable à " Tu n'as qu'à travailler comme tout le monde, fainéant ! " ne tardait guère. Travailler, c'était bel et bien ce que je faisais, simplement, mes horaires n'étaient pas ceux de tout un chacun. En outre, je ne commettais pas de grands vols chaque nuit : qu'y puis-je, si le vol d'un marchand demande bien moins de préparation que l'entrée par effraction dans l'une des plus prestigieuses maisons de Chiraz ? Ainsi, parcourir les rues en quête d'une occupation était la sentence dont j’écopais au moins trois jours par semaine, mais fort heureusement pour moi, le marché était assez actif pour m'arracher une certaine distraction.

Clac.
    « Aouch ! »
    « Je t'ai à l’œil, toi ! »

A la suite de ce coup que j'avais reçu sur le bout des doigts alors qu'ils s'élançaient tout naturellement vers des colliers aux riches ornements, la voix sévère d'un marchand avait tranché l'air sec qui sévissait aujourd'hui. Alors même que la douleur restait précisément ciblée sur les dernières phalanges, je ne pouvais, désormais, m'empêcher de sourire. Je connaissais bien le marchand qui venait d'abattre sur moi une correction qu'il avait toujours rêvé de donner. D'ailleurs, je le connaissais au moins tout autant que lui : combien de bijoux lui avais-je dérobé ? Assez pour éveiller sa méfiance et subir un courroux que je ne méritais exceptionnellement pas.

    « Je voulais simplement regarder ~ »
    « Justement ! Tu regardes toujours avec tes doigts crochus, filou de bandit ! »

Bien que de petite taille et plutôt rondouillard, cet homme savait se faire respecter, que ce soit par le biais de la trique qui ne lâchait pas ses mains - et dont il se servait, normalement, pour saisir les bijoux sans avoir à contourner son étal et quitter ainsi, son poste de surveillance duquel il avait une vue imprenable ; ou exceptionnellement, pour arrêter les " doigts crochus " -, de sa voix ô combien tonitruante lorsqu'il s'en donnait les moyens, ou encore de son air renfrogné, dépeignant en permanence sur son visage, un air fort peu sympathique.

    « Si tu me vois faire, c'est, indéniablement, que je ne veux rien te voler, tu le sais bien. »
    « Hm. »

Impassible, il avait relevé la tête et le menton avec, plissant ainsi quelques traits de son visage, alors que deux de ses doigts potelés lissaient méticuleusement le petit bouc encadrant ses lèvres pincées. Un bras croisé sur le torse et l'autre, prenant appui sur le premier, il bombait le torse et cherchait ainsi à avoir fière allure, oubliant de rentrer son ventre. Cette vision m'arracha bien évidemment un sourire moqueur qui provoqua chez lui, un claquement de langue sec et une protestation immédiate.

    « Nous savons toi et moi que tu ne vas rien acheter, alors pars d'ici, brigand ! Tu fais fuir mes clients ! »

Les clients, et surtout l'argent qui emplissait leur poche. Ce dernier seul était en mesure de lui soustraire un sourire grotesque plein d'avarice et d'ambition que je n'avais vu qu'à de rares reprises. Il faut bien avouer que si la marchandise était belle et d'une qualité rare, les prix, eux, étaient particulièrement piquants et laissaient sur leur faim, nombre des clients qu'il convoitait tant.

    « Parce que l'observation de ta marchandise implique nécessairement son achat ? »
    « Tu ne fais que repérer le terrain pour tes prochains vols ! Tu ne sais t'en prendre qu'aux pauvres gens ! Jamais tu ne te mesurerais au Minotaure qui est passé il y a peu ! »
    « Minotaure ? », avais-je relevé, portant sur lui un regard ambré brillant d'un intérêt nouveau.
    « Parfaitement ! Il remontait le marché pour regagner les coins plus tranquilles. »

Plus il parlait, et plus mon sourire s'accentuait indubitablement : sans plus attendre, j'abandonnai l'étal pour fendre la foule au plus vite, espérant secrètement retrouver le mastodonte. Dans ma hâte, je n'avais pas même pris la peine de relever les " pauvres " gens dont le marchand avait fait mention et dont il ne faisait manifestement pas partie, eu égard à son étal, mais qu'importe ! L'opportunité de me mesurer à un Minotaure ne se présenterait très certainement pas de sitôt, et c'était là, la raison même de mon empressement. L'ennui, ou du moins, la routine - mais au fond, les deux sont un peu liés - peuvent parfois nous pousser à faire de drôles de choses. Si un jour, on m'avait dit que je chercherais à rattraper un Minotaure dans le seul but de le voler pour pimenter un peu ma vie... Hm. A bien y réfléchir, si quelqu'un s'était aventuré à énoncer une telle hypothèse, sans doute n'aurait-il fait que me donner l'idée avant l'heure.

Le soleil rasait déjà l'horizon et, alors que je quittais enfin le marché pour rejoindre des quartiers plus paisibles, le Minotaure restait toujours introuvable. Attentif au moindre bruit, au moindre chuchotement susceptible de mentionner un tel monstre de muscles, j'avançais à pas feutrés au gré des rues. Combien de temps au juste, ai-je passé à déambuler dans ces quartiers ? L'impatience avait été jusqu'à me faire perdre la notion même de temps. Une éternité ou quelques minutes seulement ? Peu m'importait. Une seule crainte sévissait : voir la nuit s'abattre sur la ville sans que je ne puisse croiser l'homme-taureau.

On dit parfois du hasard qu'il fait bien les choses : c'était vrai. Alors que j'avais presque parcouru toutes les rues de ces quartiers, arrivant à douter de l'existence même de la conversation que j'avais entretenu avec le marchand un peu plus tôt, je vis enfin le Minotaure traverser la rue au bout de laquelle je me trouvais. Par réflexe ou presque, mes lèvres s'étirèrent en un nouveau sourire et je me décidai à avancer, réajustant la cape, grossièrement taillée dans de la toile, qui couvrait mes épaules. A ma grande surprise, le Minotaure n'était pas seul, et il semblait même assister une jeune femme qu'il venait tout juste de rejoindre. Charmant couple qui me poussa à me poser une question : lequel des deux devais-je voler pour attiser au mieux la colère de l'homme-taureau ?

Dans la pénombre, j'observais tour à tour les deux individus : le taureau n'avait pas grand chose sur lui, ce qui ne me laissait que bien peu de choix quant à la proie du vol que je préparais. Si la demoiselle devait souffrir de mes actes malveillants, restait encore à savoir ce qu'il me fallait lui subtiliser pour entrainer le chaperon à ma suite. Les bracelets enserrant les poignets de la demoiselle ? A n'en pas douter, elle en avait d'autres de la sorte ou du moins, avait les moyens de s'en acheter des semblables, au vu de la tenue qu'elle portait. Mon choix allait, par dépit plus que par envie, se porter néanmoins sur un bracelet lorsque mon regard se posa sur une petite boite nouvellement acquise semble-t-il - vu l'intérêt que la jeune femme lui portait -, à laquelle était adjoint un sachet tout aussi discret. Il ne m'en fallait pas davantage : j'aurais bien plus de mérite à subtiliser le sachet que la boite, le premier étant plus petit que la seconde. Il ne restait plus, dès lors, qu'à attendre le meilleur moment. Guetter l'instant parfait. Là.

Ting.
Un tintement caractéristique, et la sensation sur tout mon corps, d'un vent fictif né de ma seule rapidité. Un tintement caractéristique, et la seule sensation de la soie entre mes doigts. Un tintement. C'est, finalement, tout ce qui restait de mon passage et pourtant, le Minotaure m'avait surpris en réagissant plus vite que je ne l'aurais pensé. Pas assez néanmoins, pour soustraire sa protégée à un nouvel acte odieux dont je venais de me rendre coupable. Dès lors, quel plaisir que de voir la bête m'emboiter le pas, animée par une seule intention : m'arrêter et récupérer ce que je venais de soustraire à celle qu'il servait.

Il me faut bien avouer que j'avais sous-estimé les capacités du Minotaure : même si je l'avais distancé sans mal, sa détermination et son endurance lui avaient permis de me retrouver alors que j'avais pris parti de m'arrêter un peu, le croyant plus loin qu'il ne l'était réellement. L'heure et l'étroitesse des rues de ce quartier aidant, les ombres étaient de mise et outre le souffle rauque de l'homme-taureau, sa présence n'était que fort peu remarquable : seuls de légers reflets le trahissaient. Du moins, passait-il inaperçu avant de crier comme un sauvage, s'élançant sur moi. A croire que cette manie de hurler était un moyen de se donner du courage dans l'affrontement : un usage que je n'avais jamais compris ni même pratiqué, mais qui m'avait permis d'apprécier le bon moment afin de me débarrasser de ma cape, devenue encombrante. En l'instant pourtant, je riais des attaques qu'il me portait, alors même qu'il aurait pu me briser un os d'un simple coup. Je n'étais pas dupe cependant, et même si je prenais la peine de riposter de temps à autre, je ne le faisais que bien modestement, d'une part, parce que la garde du mastodonte m'apparaissait sans faille, et d'autre part, parce que ma force physique ne rivalisait nullement avec la sienne. Ainsi, face à ce monstre de muscles, je privilégiais l'esquive, du moins, jusqu'à ce que l'atmosphère nous entourant change sans crier gare.

Plus pesante, plus lourde, elle accablait les muscles d'une fatigue immédiate et diablement réelle, prenant à la gorge. Plus sec qu'il ne devait l'être à cette heure de la journée, l'air ambiant devenait désagréable et mon rire c'était tu. Le nez plissé, je cherchais sans comprendre, l'origine de ce changement si soudain alors que le Minotaure semblait déjà résolu. Captivé par l'adversaire de haut rang qui m'avait fait face jusqu'alors, je n'avais ainsi pas vu s'extirper d'une ruelle la jeune femme qu'il avait voulu protéger plus tôt. A dire vrai, c'est un geste simple qui vint à trahir sa présence et attira mon regard : elle semblait reboucher une fiole que je devinais être la responsable de cette nouvelle ambiance. Décidément, le sort s'acharnait : quand, enfin, je trouve un adversaire digne de ce nom, on m'arrête délibérément dans mon bel élan. Bien que ce ne soit pas dans mes habitudes, je m'étais résolu à soupirer longuement, a fortiori lorsque le Minotaure crut bon de me dénoncer, et pourtant, la voix de la jeune femme m'en dissuada.

Tout naturellement, mon regard se reporta sur elle. Sourcil arqué, je cherchais à comprendre la signification de ses paroles, ou plus exactement, la construction de sa phrase. Quoi qu'il en soit, ce qui me déplaisait le plus, au fond, était cette façon de me mettre dos au mur. Ainsi donc, d'après elle, je n'avais pas le choix, huh ? Petit à petit, les sensations d'engourdissement s'estompèrent et à l'instant même où je fus en mesure de recouvrer l'usage de mes muscles, j'en profitai pour m'éloigner du Minotaure et de la jeune femme en un bond, rejoignant le bord d'un toit par la suite. J'aurais très bien pu m'échapper en cet instant, emportant avec moi ce sachet de soie qu'elle semblait tant convoiter, mais, qu'il s'agisse d'un effet direct de cette potion qu'elle avait libéré il y a peu, ou d'une curiosité nouvelle de ma part, je préférais rester en leur compagnie, si je puis dire, m'asseyant insolemment sur le rebord du toit, une jambe dans le vide et l'autre repliée.

    « Ne pas avoir le choix, hein... », avais-je lancé plus à ma propre adresse qu'à la leur, observant distraitement le sachet de soie retenu prisonnier de ma main droite, elle-même appuyée contre mon genou ; « Je me demande bien ce qu'il y a là-dedans... »

Un sourire ne tarda pas à étirer mes lèvres alors que mon regard se posait sur la jeune femme.

    « Quand bien même je n'en ferais rien, sache que deux principes m'empêchent de te le rendre. Le premier : ne jamais restituer l'objet du délit ; le second : si une exception doit être apportée au premier principe, ce n'est qu'à la condition d'entendre un " s'il te plaît ". »

Une chose m'échappait : comment pouvait-elle avoir ce Minotaure à son service ? Était-elle la fille d'un riche homme capable d'employer de tels mastodontes ? Avait-elle plus de force et de puissance qu'elle ne le laissait croire ? A nouveau, la curiosité me poussa à empirer mon cas : sans détourner les yeux de ceux de la jeune femme, je surenchérissais, provocateur.

    « Si tu veux ce sachet, viens donc le chercher... Et je m'adresse à toi, demoiselle, pas au Cornu. »
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Anahakan Ferdowsi
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Anahakan Ferdowsi


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MessageSujet: Re: Au vol !   Au vol ! EmptyVen 21 Juin - 17:57


    La jeune femme était piquée au vif. L’insolence du voleur la mettait à la limite de ses gonds, d’un instant à l’autre elle pouvait perdre son contrôle. Au début, qu’il la provoque en se demandant ce que pouvait bien renfermer la petite bourse ne lui fit aucun effet. A cet instant, elle se demandait plutôt ce que désirait ce fâcheux indésirable. Tout d’abord, pourquoi avoir préféré ne prendre que le sachet ? Il va sans dire que l’un sans l’autre était inutile, mais qu’en plus un objet de petite taille était quand même moins appétissant que la boîte, peut-être emballée grossièrement mais non négligeable par sa taille. Ensuite, quel pouvait être son intérêt, surtout à n’en prendre qu’un seul des deux ? La magicienne buttait sur cette question autant que son garde personnel, encore plus expérimenté. Soit il attendait plus, soit il y avait un piège, et il se tenait prêt pour toutes les surprises que son esprit quelque peu paranoïaque pouvait imaginer. Effectivement, si c’était une embuscade, il s’en voudrait toujours d’avoir mis sa protégée en danger. D’autant plus qu’il se posait une troisième question : jusqu’où s’étendaient ses talents ? Erez l’avait vu à l’œuvre et il se souvient encore d’avoir eu un mal fou à l’effleurer. Combien de coups avaient du passer à côté de cet homme trop agile ! En y songeant encore, ses dents se serrèrent pendant que sa main armée aussi se refermait rageusement.

    Il sentait l’inquiétude d’agir de la jeune femme, qui n’était pas préparée à de quelconque perturbations. Pour elle, tout ne devait être que des lignes droites simples et efficaces, passer du point A au point B sans encombre. Cela ne dérangeait pas, c’était normal, prévisible, il y avait une fin tranquille et tout allait bien. La posture nonchalante de l’étranger contrastait fortement avec celle maîtrisée de sa victime, tout comme leurs tenues qui marquaient trop explicitement leurs différences sociales autant que comportamentales. De cela, Anakhan se fichait bien, elle voulait seulement récupéré son bien et rentrer chez elle. Sous le voile, elle mordait sa lèvre inférieure qui devait être rouge à présent. Elle tourna son visage caché vers son protecteur, comme si il détenait une éventuelle solution aux nouvelles paroles du maraud. Maintenant, voilà qu’un garçon des rues, après avoir élégamment défait la jeune femme de sa propriété, précisait que jamais il ne rendait ce qu’il prenait, à moins bien sûr de l’échanger contre une formule de politesse que, bien sûr, elle ne prononçait jamais, ou trop rarement pour que l'on puisse énnoncer la dernière fois que cela s'est produit. L’arrogance du jeune homme permit à la fierté de l’apsara de prendre le dessus. Si personne ne pouvait le voir, elle en revanche savait que ses joues s’empourpraient par la chaleur qu’elles dégageaient à présent. Comment pouvait-on se permettre une telle audace ?

    Pour y répliquer, le minotaure avait déjà sa petite idée. Avant qu’une autre condition ne soit posée, il s’apprêtait à dire ce qu’il pensait des manières de l’imprudent, mais d’une part Anahakhan l’en empêcha, d’autre part une dernière contrainte s’imposa : c’était elle qui devait faire la demande. L’empêchant toujours d’avancé - ou plutôt d’attaquer - en interposant son bras sur son passage, elle mettait en place ses neurones afin d’apporter une réponse appropriée au méchant filou qui l’importunait. Bien sûr, elle pouvait toujours faire une démonstration de force par la puissance de magie, mais cela en valait-il la peine ? Si c’était pour finir ridiculement au sol en même temps que l’adversaire à force d'épuiser sa propre énergie, il valait mieux s’en passer. Elle pouvait y arriver, mais comme toujours elle se disait que ce n’était pas une valeur sûre, et que la victoire à tout prix avait souvent un prix que l’on ne pouvait concevoir que dans sa finalité. En plein exercice cérébral, son bras était depuis longtemps retombé. Elle rangeait machinalement le récipient qui avait permis un cessez-le-feu à sa ceinture, se décidant enfin à faire entendre sa voix. Toujours calme, plus sur un ton pacifique qu’offensif, elle cherchait à éviter la confrontation au possible, ayant le pressentiment que si tel était le cas, ce ne serait pas agréable à voir pour les deux parties. Elle leva son visage vers le sien, remarquant la couleur singulière de ses yeux.

    « Cela est mal pensé d’exiger tant après avoir commis cette prouesse inconvenante. Rendez. . . »

    Phrase restée en suspend. Tandis qu’elle s’efforçait à établir un semblant de dialogue, bien que cela n’allait pas dans le sens du voleur, Erez fit comprendre qu’il n’aimait pas cette solution en l’interrompant sans aucune gène. Il ne supportait plus ces élucubrations incessantes, la testostérone en ébullition ne faisait que rendre ce moment plus lourd.

    « Sauf votre respect, il ne sera enclin à aucune de vos propositions. Pour une fois, laissez-moi faire ou montrez plus d’ardeur, sinon nous ne finirons jamais ! »

    Le guerrier qu’il était se lassait de cette conversation sans fin, alors il força Anahakhan à accepter sa méthode. Prenant de l’élan avec vigueur, il mit toute la puissance possible dans son bras puis le relâcha afin de planter son épée en direction de l’ennemi. Méthode que, bien évidemment, elle désapprouvait. Comme si il n’y avait pas assez de violence pour que personne ne fléchisse sous son joug ! Jamais elle ne pourrait s'habituer à tous ces gens, quand bien même ils étaient proches d’elle. Il voulait son bien, pourtant ce n’était pas la meilleure façon de faire. D’un côté, elle ne concevait pas l’idée que le jeune homme puisse être aussi malhonnête que cela, et d’un autre elle était beaucoup trop naïve pour parvenir à imaginer que tout le monde pouvait avoir un bon fond. Pour l’heure, le minotaure estimait que ses avis devaient être mis de côté, car si il l’écoutait toujours il se battrait avec des fleurs à l’heure qu’il était. Ou pire ! Il ne se battrait absolument pas, pas même pour se défendre. Il préférait largement engager ses initiatives, qui avaient de meilleurs résultats selon lui.

    Actuellement, Anahakhan n’était toujours pas d’accord avec cette façon d'agir. Voyant l’arme se rapprocher de sa cible, elle eut quelques instants d’égarement à cause d’une inquiétude l’empêchant de penser. Néanmoins, ce fut bref, la pointe était à moitié de la course qu’elle sut enfin réagir comme cela se devait. La main gauche en direction de l’arme, elle concentra sa force mentale pour commander sa trajectoire, l’arrêtant net. Elle referma le poing qu’elle tira ensuite vers elle, et l’épée chut légèrement en arrière. Toujours sur son engouement, elle transposa l’idée du sachet de soie à la place de la lame et la tira à son tour, rencontrant la résistance du jeune homme. Il avait beau être fin, il n’en était pas moins musclé, elle en fut donc venu à mettre toutes les chances de son côté et augmenter la puissance de sa prise par la magie. A chacun ses moyens, et étant donné le peu de force physique dont elle disposait elle se servait sans scrupule de son savoir. Relégué au simple rang d’observateur, le minotaure souffla d’un air blasé, se disant que si c’était lui qui s’était chargé de cette peine cela n’aurait pas pris tant de temps. Et puis de la voir n’exploiter ses capacités qu’au minimum l’énervait. Il ne lui restait plus qu’à récupérer son arme, rien d'autre, sauf observer bêtement, rendant sa force inutile pour une telle activité. Ayant entendu le soupir agacé, la jeune femme fut un moment confuse de ce qu’elle qualifiait comme étant «  sa nullité ». Elle redoubla encore ses efforts, voulant à son tour cesser ce petit jeu qui n’était pas si drôle. Elle s’exerça plus violemment, récupérant son bien, ayant peut être provoqué le déséquilibre de son adversaire. La bourse s’échoua près d’elle, elle se contenta de la ramasser. Après tout ces efforts, elle en était un peu fatiguée et essoufflée, plus à cause du stresse que de la véritable exploitation de ses capacités.

    Elle observa encore le brigand perché sur son mur, espérant avoir porté un joli coup à sa fierté démesurée, puis l’adrénaline retombée elle s’interrogea sur le but réel de ce manège. Après tout, elle avait en horreur de se battre, peu importe l’ampleur du combat. Sous la provocation, elle avait laissé son orgueil parler plus fort que de nature, ripostant sur le même terrain que l’ennemi, alors que l’une des meilleures choses à ne pas faire était de ne pas rebondir sur les railleries. Néanmoins, elle l’avait fait, et pour l’instant elle était gagnante. Toujours sur ses gardes, son accompagnateur se plaça à ses côté, lui suggérant de ne pas s’attarder. Seulement, c’était à peine si elle l’avait entendu, puisqu’elle commença une conversation toute autre. Il savait qu’elle n’avait rien écouté, bien qu’il ne fit aucune remarque à ce sujet, se taisant pour mieux entendre le murmure de sa voix.

    « Ne trouvez-vous pas qu’il a un talent particulier ? »

    Et si, à cet instant, le bandit tentait à son tour de prendre la parole ou qu’il voulait essayer un nouveau jeu, il n’eut pas plus d’attention que le garde. Elle avait fait de son mieux pour hausser le ton, pour que depuis son perchoir il ait une chance de l’entendre.

    « Que cherchiez-vous pour nous avoir dérangé de la sorte ? »

    Il va sans dire que si elle prenait autant d’aises, c’était parce qu’elle se sentait en confiance avec Erez. Il faut quand même avouer qu’elle avait du faire un effort pour braver sa timidité et oser se permettre une telle demande ; ils ne s’étaient jamais réconciliés du précédent larcin, pas plus qu’ils ne s’étaient échangés quelques politesses ou paroles aimables. Malgré tout cela, Anahakhan songeait à d’éventuels rapports professionnels, comme elle en avait avec certains malfrats de la région. Comme tout un chacun, elle avait une multitude de secrets. Quand à l’énorme masse musculaire qui lui servait de protection, il ne baissa pas davantage sa garde, contrairement à elle il restait à l'affût d'une offensive. Il en profita pour jauger le gamin, car il semblait assez jeune pour qu'Erez puisse justifier ainsi l'immaturité de son attitude. Il se souvint du tintement entendu plus tôt, l'assimilant à ses oreilles percées. Il était original jusqu'à la pointe des cheveux, qu'il portait long pour un homme. Enfin, on pouvait voir de tout, bien que cela restait assez rare. Il le trouvait aussi bien plus petit assis, une fausse illusion ; le bandit ne devait pas faire moins d'une quinzaine de centimètres par rapport à lui.

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Assad El'Khayr
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MessageSujet: Re: Au vol !   Au vol ! EmptySam 29 Juin - 16:15

Sans surprise, ma précédente réflexion avait déplu au " Cornu ", affectueusement surnommé de la sorte par mes soins. Plus étonnant cependant, sa propension à obéir comme un brave animal domestique, à un simple geste de la demoiselle. Moi qui pensais les Minotaures incontrôlables, impulsifs et violents, celui que j'avais sous les yeux démentait au moins en partie toutes mes croyances, aussi j'en venais à me demander ce qui pouvait justifier une telle loyauté de la part du mastodonte. N'était-il pas en mesure d'écraser la jeune femme plus vite encore qu'il ne le faut pour le dire ? Un long moment, ma réplique demeura sans réponse, tant est si bien qu'un silence, au moins agaçant, et peut-être pesant, s'était installé entre nous trois. Avait-elle oublié ma requête ? Songeait-elle à abandonner ? Depuis un certain temps déjà, elle ne retenait plus l'homme-taureau qui, pourtant, ne bougeait pas d'un pouce. Sans le connaître, je devinais qu'il ne souhaitait qu'une chose : un ordre, et plus exactement, l'ordre de m'attaquer.

Pas de chance ! La demoiselle en avait décidé autrement et apparemment, elle n'avait pas, par la même, oublié ma requête. Encore que... C'est sur un ton étrangement calme et mesuré qu'elle avait pris la parole après avoir redressé sensiblement la tête. C'est à ce moment précis que je réalisais combien le voile qu'elle portait était agaçant : elle me regardait, du moins c'est ce que je pensais, et pourtant je n'étais pas en mesure de percevoir la moindre expression. A bien y réfléchir, cette conversation - si on peut la qualifier ainsi - n'avait aucune sens : le Minotaure ne voulait pas me parler, ne me jugeant pas assez digne d'entendre sa voix de stentor, sans doute ; quant à moi, j'avais l'impression de m'adresser à une statue au masque vaporeux, immuable et inexpressif. D'ailleurs, entendre quelqu'un, une étrangère qui plus est, me faire la leçon pour une énième fois, ne m'aidait pas la considérer comme une personne à part entière : les morales me passaient au-dessus depuis si longtemps que les mots ne m'atteignaient même plus. En outre... Comment voir ses lèvres se muer, avec ce voile ?

Ceci étant, le mot " prouesse " m'était tout de même parvenu - les joies d'une ouïe sélective. J'aurais peut-être même pu trouver assez de force pour m'intéresser aux propos de la demoiselle si l'homme-taureau ne l'avait pas coupée. Manifestement, le Minotaure avait décidé de me déplaire de bout en bout. Souhaitait-il que je le considère comme simplement irrécupérable ? Tendant l'oreille malgré moi, je tâchai de percevoir les propos du mastodonte... Eh ! De quel droit se permettait-il de parler en mon nom, celui-là ?! Comment pouvait-il savoir que je ne serais enclin à accepter aucune autre proposition ? Il est vrai que pour l'heure, je voulais simplement m'assurer de l'autonomie de la demoiselle, si bien qu'aucune proposition, en effet, ne serait susceptible de me faire changer d'avis, mais tout de même ! Certes, j'étais un voleur obstiné qui n'abandonnait jamais tant qu'il n'avait pas ce qu'il désirait, mais pour autant, je n'étais pas aussi fermé que ce qu'il prétendait là. D'ailleurs, et quand bien même il pensait très certainement chacune de ses paroles, il m'apparaissait si en colère, qu'à mes yeux, il ne cherchait qu'un prétexte pour agir : n'importe lequel. En position de force - en dépit du sous-nombre -, je me permettais un excès de zèle : étonné par le ton que ce loyal serviteur employait à l'égard de sa maîtresse, je ne me gênai pas pour croiser les bras sur mon torse en remuant la tête de gauche à droite en signe de désapprobation. Il n'aurait fallu guère plus de temps pour que je lâche une réplique, d'ailleurs, si la jeune femme ne s'était pas laissée convaincre, donnant, par ce fait, libre court aux actions du mastodonte.

Sans plus attendre, je vis le monstre à demi bovin armer son bras et lancer son arme en ma direction. Tout a été alors très vite : j'étais prêt à esquiver - la distance me le permettant - mais le besoin de s'en fit pas sentir pour autant puisqu'à mi-chemin, l'arme s'immobilisa d'elle-même. Avant de m'interroger sur ce phénomène troublant, une réflexion me traversa d'abord l'esprit : comment un combattant aussi expérimenté que le Minotaure avait-il pu se désarmer de la sorte, laissant ainsi sa protégée vulnérable - si on omettait le fait qu'il avait une force inhumaine et des cornes aiguisées ? Aurait-il d'autres armes ? Si j'étais amené à m'approcher, il me faudrait me souvenir de ce détail intéressant - autant préserver ma peau le plus longtemps possible. En attendant... Comment diable cette épée pouvait-elle flotter dans les airs ? Était-ce une mascarade quelconque pour me pousser à baiser la garde ? Un faible mouvement - le simple repli des doigts d'une main - attira mon attention sur la jeune femme : le bras gauche tendu devant elle, elle semblait retenir l'arme par sa seule volonté. Était-elle capable d'autres tours de passe-passe de ce genre ? N'était-ce là qu'une infime part de ses capacités ? Lorsqu'elle replia son bras vers elle, l'épée recula sensiblement, confirmant alors l'hypothèse que je venais d'imaginer et amenant, à mes lèvres, un sourire insolent. D'une part, la demoiselle était donc bien la responsable de l'immobilisation de l'arme et d'autre part, elle m'avait sauvé la peau en allant - une fois de plus, insistons bien - contre la volonté du Minotaure. Si un nouveau phénomène ne s'était pas produit, je me serais empressé de railler le mastodonte.

Pas de raillerie néanmoins : pas le temps. Sans que je ne m'y attende, la main qui retenait le sachet fut prise de ce que j'aurais qualifié d'un violent spasme, me poussant vers le vide. Éphémère, mon sourire s'évapora immédiatement tandis que je contemplais ma main sans comprendre : le sachet était-il possédé ? Répondait-il à la magie ci-avant dévoilée ? Pourquoi devais-je affermir ma poigne de la sorte, pour retenir le petit sac ? Dépassant la simple vue de ma main, mes yeux s'éloignèrent jusqu'à s'égarer à nouveau sur la silhouette de la jeune femme... Une minute. Se pourrait-il que ce soit encore un se ses tours ?
Comme pour répondre à ma question, la force invisible contre laquelle je luttais, s'intensifia, si vivement que mon poing en trembla ; si brusquement, qu'il me fallut abandonner mon butin qui alla s'échouer sobrement aux pieds de la demoiselle. Intrigué par ce qui venait de se dérouler sous mes yeux, c'est avec une certaine hébétude, je l'avoue, que je pris parti de me rassoir plus confortablement, puisque la magie qui avait attiré le sachet, m'avait presque fait glisser de mon perchoir : c'est de justesse que ma main libre s'était cramponnée au rebord du toit. Reprenant ma posture initiale, je contemplai à nouveau les deux étrangers, non sans afficher une mine boudeuse, voire franchement mécontente.

A dire vrai, j'étais partagé. J'étais d'abord curieux, intrigué par cette force qui avait attiré le sachet, par ce pouvoir qui provenait probablement de la jeune femme, mais encore par ses limites, si limites il y avait. J'étais encore vexé de m'être fait dérober si facilement le petit sac alors qu'elle n'avait pas même pris la peine de venir le chercher, comme je le lui avais si gentiment demandé - elle avait au moins agi de son propre chef : tout n'était perdu. Et j'étais enfin en colère, piqué dans ma fierté : moi qui m'étais moqué du Minotaure alors que son arme avait été arrêtée en plein élan, ne se moquait-il pas de moi, désormais.. ? Un coup d’œil à sa mine renfrognée me laissa croire que la moquerie n'était pas de son ressort. Sa posture, par ailleurs, transpirait un certain malêtre : il n'était pas rassuré par la situation, mais au fond, n'était-ce pas un peu normal ? Sa protégée et lui étaient tous les deux perdus dans des petites ruelles sinueuses et inquiétantes, fourmillant de voleurs en tout genre, or au vu de la riche tenue de la demoiselle, il n'était certainement pas prudent de s'attarder. Cette pensée, certainement partagée par le mastodonte, nous poussa, l'un et l'autre, à être surpris par la prise de parole de la jeune femme ; plus encore par ce qu'elle exposait.

Un talent particulier ? Quelle fine observatrice. En dépit de la bouffée de fierté qui s'emparait de tout mon être, balayant immédiatement les bribes de colère et de vexation qui m'avaient secoué momentanément au préalable, je ne pus qu'être surpris par la poursuite de son idée. Haussant sensiblement le ton - paraissant ainsi s'adresser directement à moi -, la demoiselle posa une nouvelle question que j'éludai pour le moment : après tout, elle m'avait fait bien assez poireauté des suites de ma requête. Vraiment, cette jeune femme était intrigante. Obnubilé par le défi que constituait le Minotaure à lui seul, j'avais sous-estimé la demoiselle, a fortiori puisque le mastodonte semblait être son garde-du-corps, laissant penser, à tort, qu'elle était sans défense. Je n'aurais peut-être pas dû la mettre de côté de la sorte : elle était au moins toute aussi forte que le Minotaure, si ce n'est plus. Ou tout du moins, c'était une autre forme de force, plus intéressante, sans nul doute, que la force physique pure et dure, parce que plus imprévisible.

Une mine dubitative tordant mes lèvres, mon regard contempla le sol en contrebas, jusqu'à s'échouer sur un amoncellement tortueux de tissu, égaré là par mes soins. Sans accorder plus d'importance au couple d'étrangers, je me redressai nonchalamment, sautant au sol, la seconde suivante, afin de ramasser la cape que j'avais abandonné peu avant, lorsque le Minotaure se lançait sur moi. C'est alors que je la remettais sur mes épaules qu'un soupir m'échappa. Reportant à nouveau mon regard sur la jeune femme tout en conservant mes distances - oui parce que son fidèle compagnon ne m'appréciait toujours pas bien malgré le cessez-le-feu, ça crevait les yeux -, je me décidai enfin à répondre à sa question. Quoique la regarder m'était difficile : j'avais horreur de ne pas pouvoir croiser le regard de la personne à qui je m'adressais. Ce voile me gênait et je ne savais pas même où regarder, si bien qu'au fond, c'est sur les environs que mes yeux se promenèrent.

    « Un challenge. »

Ces mots, lâchés simplement, avaient fendu l'air telle une évidence. Mes yeux ambrés s'arrêtèrent alors sur le Minotaure et mon bras se tendit devant moi, mon doigt, pointé dans sa direction, le désignant.

    « Le Minotaure constituait ce challenge ; mon bras se rabaissa alors et mes yeux se détournèrent sur le voile, cherchant à voir au travers et se fixant approximativement à l'endroit où les prunelles de la jeune femme devaient être - quelle couleur pouvaient bien avoir ses iris ? ; Je m'ennuie. Les occasions de trouver des adversaires dignes de ce nom se font rares, donc je ne pouvais pas me permettre de le laisser passer. Et puis... »

Je ne pus empêcher mes sourcils de se froncer naturellement alors que je mettais un terme à ma propre phrase. Croisant une nouvelle fois mes bras sur mon torse en redressant la tête, tel l'homme fier que j'étais, ma langue claqua et ma voix se fit encore plus tranchante qu'elle ne l'était d'ordinaire.

    « Bon sang ! Vas-tu enlever ce voile ?! C'est insupportable de s'adresser à un masque ! »

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